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1. LES ÉOLIENNES CONCURRENTS
Bien que les Éoliennes Bollée aient été
fabriquées en grand nombre, elles ne furent jamais majoritaires—y
compris dans la Sarthe—là où elles étaient installées.
De nombreux autres modèles furent vendus, et pourtant, beaucoup des
conceptions les plus intéressantes ne furent distribuées que
très localement, tandis que les modèles inspirés des
machines Américaines à simple rotor prospéraient.
Un catalogue publié dans les années 1930 par René Araou
de Narbonne (Aube) mentionnait des installations à simple rotor dans
l'Yonne, à Grange-la-Bocage (1931), Sergines (1914) et Thorigny-sur-Oreuse
(1930). Celles-ci étaient de grandes et impressionnantes machines ;
celle de Sergines, avec un rotor d'un diamètre de 12 mètres,
fut le plus grand modèle Araou installé avant la Première
Guerre Mondiale.
Il est important de noter que si le rendement mécanique des grandes
turbines à simple rotor était plus pauvre que celui des Eoliennes
Bollée, ces machines étaient de mécanique simple, peu
coûteuses à installer, et faciles à faire fonctionner.
Bien que leur construction soit plus simpliste, il n'est pas prouvé
qu'elles furent plus enclines à tomber en panne que leurs rivales Bollée
; par conséquent, on rencontre encore un nombre surprenant d'entre
elles en France.
Parmi les premières tentatives pour développer l'autorégulation
des turbines à vent, on trouve l'invention d'Amédée Durand
(1789-1873) et un autre mécanisme inconnu nommé Jassenne. Durand
publia Note sur un moulin à vent s'orientant et se réglant de
lui-même par M. Amédée Durand, en 1836, et au moins deux
machines à six voiles furent fabriquées—l'une placée
sur le toit de l'hôtel de ville de Verberoy (Oise) et une autre au sommet
d'une tour de 12 mètres près de Montbron en Gironde. Fabriquées
essentiellement en bois, ces machines entraînaient une roue à
aubes ; les voiles tournaient autour d'un axe pour capter le vent, mais étaient
réorientées par une chaîne et un mécanisme de contrepoids
lorsque la vitesse du vent chutait. Le modèle Durand fut novateur pour
le système de l'autorégulation, quelques années avant
le système Américain Halladay, à qui on attribue pourtant
le crédit de cette invention, et qui inspira une suite de turbines
à vent attribuées à Prosper Dellon dans les années
1870.
La machine Jassenne, montrée à Paris en 1855, était dotée
d'une petite roue à aubes positionnée à la base d'un
grand cône tronqué. C'était un entonnoir (augmentateur)
et, en raison de la différence importante des diamètres entre
l'entrée et la sortie, elle aurait été plus efficace
que le modèle déposé en 1885 par Auguste Bollée
!
L'une des plus impressionnante machine survivante fut fabriquée à
l'origine par Henri David, d'Orléans, dans une région considérée
souvent comme le territoire exclusif des Éoliennes Bollée, et
érigée dans la commune de Pargues dans l'Aude. Bien qu'équipée
maintenant d'un rotor de petit diamètre d'origine inconnue, cette installation
comportait à l'origine un très impressionnant rotor à
éclipse monté sur l'une des plus solide et des plus décorative
tour d'éolienne jamais construite. David prétendit avoir déposé
le brevet de son système en France en 1878, mais était en réalité
l'auteur de simples " améliorations " à un système
Nord Américain déjà existant.
Parmi beaucoup d'autres fabricants Français, on peut citer les Ateliers
Mécaniques du Languedoc de Narbonne dans l'Aude ; La Société
CEMA de Belleville-sur-Saône dans le Rhône (Idéale) ; et
Maurice Ledoux & Cie de Paris, Bordeaux et Lille (Ledoux). Les grands
concessionnaires comprenaient la Maison Beaume, un fabricant de pompes et
béliers hydrauliques fondée à Boulogne-près-Paris
en 1860, et Th. Pilter de Paris. Pilter, l'un des plus importants fournisseur
d'articles pour l'agriculture vendait des éoliennes de fabrication
Américaine en concurrence avec les autres modèles dans toute
la France rurale. La turbine de l'Éolienne Bollée de La Fredonnière,
construite par Georges Duplay en 1926/27, fut installée au sommet d'un
pylône construit par Pilter en 1911.
Étienne Rogier, dans L'électricité éolienne
de la Belle Epoque à EDF mentionne que : " ...la plupart (des
éoliennes) furent importées des USA, bien que les industriels
Français promussent également leur propre production, soit sous
licence, ou soit des modèles originaux comme l'Éolienne Bollée
Le plus grand nombre était produit par des industriels comme Schabaver
de Castres (Tarn), avec une turbine " Halladay " d'origine Américaine,
mais améliorée [à Castres]. Bonnet à Toulouse,
Araou à Narbonne, Péra à Florensac (Hérault),
qui proposaient des turbines " Euréka ". Bompard de Nîmes
vendait " l'étoile d'acier ", puis fabriqua les machines
" Série CA " et " Série A ".
Les grands
grossistes en articles pour l'agriculture inclurent également dans
leurs catalogues des éoliennes, comme, par exemple, Pilter avec la
turbine " Samson " et Wallut avec la " Star ". Il y eut
aussi beaucoup de productions plus modestes à l'image de Fafeur et
Durand-Roger à Carcassonne... "
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Ci-dessus: Une annonce de Mme Veuve Araou et ses fils, c. 1905, et un prospectus édité par la Société CEMA de Belleville-sur-Saône après la Seconde Guerre Mondiale. Avec la courtoisie de J. Kenneth Major et André Gaucheron.
Le périodique Français Le Génie Civil, dans un
article publié dans son édition d'Août 1890, consacré
aux objets exposés lors de l'Exposition Universelle de 1889, mettait
en avant les innovations Françaises tel le " Moteur à vent
H. Rossin ". Celui-ci avait fixé des voiles sur un axe qui se
mettait ainsi en marche à une vitesse déterminée par
le vent. Un frein à main actionné par un volant était
utilisé pour stopper la machine manuellement, mais le mécanisme
comprenait un régulateur mécanique destiné à lofer
le rotor en le déplaçant parallèlement à la gouverne.
Quelques éoliennes de type Rossin furent installées dans la
vallée du Rhône, où elles démontrèrent leur
robustesse, suffisante pour résister aux assauts du mistral. L'une
d'elles se tenait près de la gare des Chemins de Fer de l'Ouest de
Colleville, remplissant un réservoir d'eau, et une autre, propriété
des Chemins de Fer de la Grande Ceinture de Paris, située à
Valentin près la Gare de Villeneuve-Saint-Georges.
Le " Système de Turbine Atmosphérique A. Dumont "
fut un remarquable système basé sur une série de pales
en hélice, protégées sur la version perfectionnée
par une enveloppe cylindrique métallique. Un exemplaire fut installé
par la commune d'Orgelet (Jura), et une autre pièce survivante en Bourgogne
a obtenu le statut de monument historique.
Un autre important " rival "—quoique la production ne semble pas
avoir été très grande—fut le modèle Lebert à
simple rotor. Actuellement, on sait peu de choses sur celui-ci, excepté
qu'il fut introduit dès 1906. Toutefois, deux cartes postales de la
collection de J. Kenneth Major montrent des machines érigées
avant 1914 à Parigné-l'Évêque (Sarthe) et Rugles
(Eure) qui pourraient représenter le modèle Lebert. Une autre
photo a récemment été découverte montrant une
installation à Guignonville, un village de Beauce près de Pithiviers.
Les machines de ce type étaient dotées d'une petite hélice
de contrôle, capable de tourner de 90°, qui paraît être
placée à l'avant d'un simple rotor multi-pales monté
sur un arbre horizontal. Ces ressemblances avec la conception des machines
Bollée sont trop flagrantes pour n'être qu'une coïncidence,
et, de plus, la construction des pylônes était la reproduction
de ceux utilisée par Lebert pour les Éoliennes Bollée.
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Ci-dessus: deux cartes postales antérieures
à 1914 - Rugles (à gauche) et Parigné-l'Evêque
(à droite) - montrant ce que pourrait être l'Éolienne
Lebert à simple rotor. A noter comment l'hélice de contrôle
(désignée par une flèche) peut clairement tourner autour
d'un axe vertical de façon identique au Papillon de l'Éolienne
Bollée. Photographies prêtées avec la courtoisie de
J. Kenneth Major.
Beaucoup de cartes postales éditées avant 1939 ont contribué
à fournir des renseignements. Les fabricants et les distributeurs cherchaient
à tout prix à promouvoir leurs propres éoliennes, et
la gouverne aux formes généreuses fournissait un support idéal
pour la marque ou le nom de la Compagnie. Les images d'une machine dans le
Camp de Mailly (Aube) sont typiques ainsi que celles d'une autre machine à
Noyers (Yonne), marquées respectivement " Zephyr " et "
ARAOU Fres. NARBONNE ".
Un nombre substantiel de machines à simple rotor subsiste encore à
travers la France. Des informations fiables sont pourtant malheureusement
difficiles à trouver, bien que des photographies de plus de soixante
" anciennes pompes éoliennes " (incluant plusieurs machines
Bollée) puissent être trouvées sur le site Web de la Commission
Française pour la Protection du Patrimoine Historique et Rural (CFPPHR).
Ces clichés montrent des emplacements dans les départements
de l'Aube (10), l'Hérault (34), l'Indre-et-Loire (37), le Loir-et-Cher
(41), le Loiret (45), le Puy-de-Dôme (63), les Pyrénées-Orientales
(66), la Seine-et-Marne (77), les Yvelines (78), l'Yonne (89), l'Essonne (91)
et le Val-d'Oise (95).
Quoiqu'il en soit, bien que quelques inventions autochtones Françaises
atteignirent une notoriété locale, aucune ne fut capable de
rivaliser avec l'Éolienne Bollée pour la pureté de son
style.
2. LE
BÉLIER HYDRAULIQUE
Le bélier hydraulique, est une invention Française—l'oeuvre
de Joseph de Montgolfier (1740-1810), bien que les brevets d'invention déposés
en 1797-98 mentionnent souvent les noms de Etienne de Montgolfier (1745-99)
et Ami Argand (1755-1803). Argand, inventeur de la " Lampe Argand ",
était ami avec Matthew Boulton de Boulton & Watt, mais le brevet
Anglais était accordé sous le nom du seul Boulton. Malheureusement,
les spécifications du brevet omettaient de préciser que l'invention
avait été " communiquée de l'étranger "
et les droits ont été accordés par la suite à
Matthew Boulton où même James Watt !
Le premier bélier fut installé dans l'usine de fabrication de
pâte à papier Montgolfier de Voiron (Ardèche), où,
comme Joseph de Montgolfier le nota en 1802, il a " élevé
l'eau fournie par le ruisseau à la hauteur de mes bassins, tirant profit
d'une chute d'eau d'une hauteur de 3 mètres ; un système qui
m'a permis de me dispenser d'avoir recours à des roues à eau,
des pompes et autres machines hydrauliques habituellement employées
".
Montgolfier continua à perfectionner le bélier jusqu'à
sa mort, ses travaux étant repris ensuite par son fils Pierre François
(1775-1856)—qui, pour entretenir la confusion, conserva le prénom
" Joseph ". Des béliers furent fabriqués en Angleterre
à partir de 1822 par Josiah Easton, cessionnaire du brevet Montgolfier,
et aux USA par Douglas & Company de Middletown, Connecticut, à
partir de 1847.
Le bélier utilise le débit de l'eau pour élever celle-ci
à une grande hauteur. Il se compose d'une canalisation d'alimentation,
d'un gros réservoir (où chambre à air), de deux soupapes,
et d'une canalisation de distribution. L'eau en s'écoulant dans une
canalisation inclinée provoque une pression suffisante pour ouvrir
une soupape à la base du réservoir. Une petite quantité
d'eau est rapidement dérivée dans le réservoir, avec
une grande force, pour comprimer l'air. Quand la pression de l'air atteint
un niveau assez élevé pour stopper l'entrée d'eau, la
soupape d'admission se referme. A ce moment, la pression de l'air est plus
grande que celle exercée par l'écoulement de l'eau dans la canalisation
d'alimentation et garde la soupape d'admission fermement verrouillée
; la soupape d'échappement s'ouvre alors, permettant à l'air
emprisonné dans le réservoir de se libérer. Cela pousse
l'eau dans la canalisation de sortie vers un réservoir. l'expulsion
de l'eau a pour effet de diminuer la pression d'air qui ne devient plus suffisante
pour s'opposer à la force exercée par le débit de l'eau
dans la canalisation d'alimentation. La soupape d'échappement se ferme
alors, la soupape d'admission s'ouvre, et l'eau compresse l'air à nouveau
- un cycle qui se renouvelle plusieurs fois par minute pour délivrer
une certaine quantité d'eau vers le réservoir.
Le bélier s'est révélé simple, robuste, et un
moyen efficace pour élever de l'eau. La quantité élevée
n'était qu'une petite partie du débit (environ 6 pour cent dans
la plupart des cas), mais c'était sans conséquence si l'eau
provenait d'un ruisseau.
Ernest-Sylvain Bollée obtint un brevet protégeant un bélier
hydraulique en 1857, mais tomba gravement malade dans les années 1860
et son fils cadet, Ernest-Jules (1846-1922?), géra par la suite l'usine
et la vente des béliers. La production des béliers hydrauliques
modèle Bollée fut importante, et ils obtinrent un grand nombre
de prix incluant une médaille d'or à l'Exposition de 1889 à
Paris. Plus de 850 avaient été installés vers 1894, et
Ernest-Jules Bollée se vantait d'en avoir fabriqué 1800 lorsque
la Première Guerre Mondiale débuta à l'été
1914.
Le site du Château du Breuil (1891) est particulièrement intéressant.
Une Éolienne Bollée N°3 pompait l'eau de la rivière
vers un grand réservoir intermédiaire, prétendument fabriqué
par Gustave Eiffel. L'eau s'écoulait alors pour alimenter un bélier
hydraulique, qui en élevait une partie à une hauteur de 25 mètres
pour pourvoir aux besoins du Château, alimenter les réservoirs
pour le jardin potager, et irriguer les pâturages des moutons à
flanc de colline. Le restant de l'eau provenant de la soupape d'échappement
du bélier hydraulique permettait d'irriguer les prés au pied
de la colline, et tout l'excédent était envoyé vers le
village voisin.
Le Château de Bonnetable possède encore un bélier en plus
d'une Éolienne Bollée de type pylône, cependant, on sait
peu de choses à propos de ce site. On trouve aussi un bélier
dans le parc du Château de la Ménardière, près
de la commune de Mazières en Gâtine (installé en 1877)
; dans le parc du Tapis Vert, un manoir de la fin du dix-neuvième siècle
dans les Alpes Mancelles ; et dans le parc du Château de la Fontaine.
Ci-dessus: le bélier hydraulique
Bollée. Avec la courtoisie du Francis Bonneteaud.
3. LES POMPES
En complément des béliers hydrauliques, Ernest-Sylvain et Auguste-Sylvain
Bollée installaient des pompes conventionnelles sur les quelques sites
où d'autres sources d'énergie étaient déjà
disponibles. On suppose que celles-ci comprenaient des moulins à vent,
des éoliennes et peut-être des roues à eau, mais peu de
détails sont connus. Les catalogues produits par Auguste-Sylvain Bollée
avant Février 1894 désignaient celles-ci par " élévation
d'eau par roues hydrauliques ou autres moteurs avec pompes (Système Bollée)":
Barbée (Château de La), Sarthe ; 1877.
Bonneterie (Château de), Indre-et-Loire, " près de
Neuillé " ; 1885.
Broglie (Château de), Eure ; pompes installées, 1880.
Château-du-Loir, Sarthe ; 1878.
Château-la-Vallière, Sarthe ; pompes destinées
à alimenter en eau la commune locale, 1871.
Claignes (Château de) Oise, Crépy-en-Valois ; 1883.
Combourg (Château de), Ille-Et-Villaine ; 1879.
Couture (Château de), Sarthe, " à Saint-Michel-de-Chavaignes
" ; 1889.
Dampont (Château de) Seine-et-Oise, " à Ws-Marines
" [sic] ; 1883.
Mesnil-Glaise (Château de) Orne, " par Écouché
" ; 1882.
Montifray (Château de), Indre-et-Loire, Beaumont-la-Ronce ; 1886.
Orbec-en-Auge, Calvados ; six pompes pour l'alimentation en eau publique,
1883.
Perrais (Château de[s]), Sarthe, " à Parigné-le-Pôlin
" ; 1885.
Reignac (Château de), Indre-et-Loire, Reignac[-sur-Indre] ; 1887.
Saint-Calais, Sarthe ; pompes pour l'abattoir et la commune locale,
1885.
Saint-Quentin-des-Isles (Château de), Eure, Saint-Quentin ; 1882.
Theil (Château du), Vienne, " par Chauvigny " ; 1889.